Un Pas de Côté ?

Un pas de côté, ou guetter la tangente.

S’affranchir du grand boulevard tout droit bitumé qui conduit nos pas vers l’aboutissement de notre projet de vie—la mort. Regarder la fin, prendre ses responsabilités et ses détours, les siens, au gré des impasses, des barrières, des pavés. Cheminer et regarder avec toute l’intensité des dernières fois. Saisir la magie de tout ça.

Un pas de côté, ou regarder les alternatives.

S’ouvrir au temps qu’il fait, ouvrir les fenêtres et faire entrer l’orage, le vent et la pluie dans la chaumière, s’aérer les synapses et dilater les pores. Plonger dans le panier à salade et tourner, s’essorer du superflu, regarder le monde avec le tournis ; se regarder dans le miroir de sa conscience. Et rire.

Un pas de côté, ou sortir de la roue d’écureuil

Regarder ses pieds qui courent, sauter en marche, mettre un bâton dans la roue—pause— poser le couvercle et des parenthèses, sans guillemets. Trébucher, cracher un soupir, faire une ronde. Fuir l’urgence, oser l’essentiel.

Un pas de côté, ou s’accorder une danse.

Peur de se marcher sur les pieds : glisser de côté, de concert. Jouer des coudes et des épaules pour décrocher, tordre le cou, canaliser les nerfs ; faire valser les identités, toucher du doigt l’altérité, balayer devant sa porte. Et se pendre au sérieux.

Un pas de côté, ou l’art de l’évasion

Tailler des bavettes, bagouler, rouscailler bigorne et donner du grelot. Clocher, esgourder, ouvrir grand l’étagère à mégots. Saisir la charibote et crever la baudruche, chasser le fantabosse, l’empaumeur et autres attigeurs de cabanes qui profitent a volo d’avoir la parlante pour croquer des cigares. Affûter les pincettes, ouvrir la tabatière, débloquer les chasses. Et surtout : déplanquer l’aboyeur des familles.

Julien ESTIVAL